Inéligibilité, où est le problème ?
Marine le Pen et une vingtaine de membres du Rassemblement National ont été condamnés en première instance dans le cadre de l'affaire des assistants parlementaires du Parlement Européen. L'ancienne présidente du parti, actuel députée, a fait appel de la décision des juges. mais ce qui fait débat, c'est la peine d'inéligibilité avec exécution immédiate qui la touche et qui devrait l'empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Mais, en réalité, à bien se pencher sur la question, en quoi cette peine d'inéligibilité est-elle un problème ?
Pour rappel, il y a environ 650000 élus en France. Cela signifie donc que pour plus de 67 millions de Français, cette peine aurait très peu de conséquences dans leur vie quotidienne. Et il est forte à parier qu'entre une peine d'inéligibilité et une amende, même faible, de nombreux français opteraient pour la première sanction. L'inéligibilité n'est donc pas synonyme de mort sociale. Elle ne prive que d'une liberté, celle de se présenter à une élection, et dans le cas de Marine le Pen, pour une période réduite.
Il faut donc s'interroger sur les raisons d'un telle opposition à cette mesure (qu'elle réclamait pourtant il y a quelques années). En réalité, le problème vient de la professionnalisation de la politique. Si on regarde de près l'évolution de la politique française, on se rend compte que, si, sous la 3e ou encore la 4e République, les élus avaient tous connu une vie professionnelle avant d'êtes élus, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Bon nombre de personnalités politiques de premier plan n'ont connu aucune activité professionnelle, ou alors elle est liée à la politique (assistants parlementaires par exemple). Jadis, quand un politicien était battu, il retournait à la vie civile. Aujourd'hui, s'il est dans la majorité, on lui fournira un poste de prestige. On lui créera peut-être même pour lui un poste d'ambassadeur ou de haut-commissaire. S'il est dans l'opposition, on l'enverra tenter sa chance aux Européennes ou aux Régionales, pour qu'il puisse conserver un mandat électif. Parfois, il sera rémunéré par son parti pour une mission assez obscure.
Que Marine le Pen soit inéligible ne devrait pas être un problème. Qu'elle retourne à son premier métier : celui d'avocate. Qu'elle plaide ! Je le répète, l'inéligibilité n'est pas une peine de mort sociale.
Par ailleurs, il est aussi bon de s'interroger sur la position de son parti. Dans une démocratie, on vote selon un programme. On vote pour des idées. On ne vote pas à une élection présidentielle comme on le fait pour la Star Ac ou Danse avec les stars. Pourquoi avoir si peur qu'elle ne puisse pas se présenter ? Si le programme du RN est si bon, il sera défendu et obtiendra l'adhésion du peuple. A moins que la personnification de la politique soit telle qu'un programme ne puisse être défendu par n'importe qui. Mais alors, il faut s'en inquiéter car cette personnification, intimement liée à la 5e République, est alors un terrible écueil pour la démocratie. La véritable crise démocratique est bel et bien davantage dans cette dérive que dans l'inéligibilité d'une héritière politique qui a détourné l'argent du contribuable (pour rappel, le RN a déjà été condamné dans l'affaire des kits de campagne).
Si nous devions nous dresser contre un danger démocratique, ce devrait être celui-là. Pas un autre. Car la 5e République est en réalité un régime qui, s'il n'est pas totalitaire, n'est plus démocratique.
A ce sujet, je vous invite à relire ce billet que j'avais rédigé sur la 6e République en cliquant ici.