Du rififi pour un mariage...

Publié le par Frédo45

Dati sous le sceau de la colère
ALAIN AUFFRAY
mercredi 4 juin 2008
     
http://www.liberation.fr/actualite/politiques/329673.FR.php
 
Dans la fulgurante carrière de la ministre de la Justice, il y aura un avant et un après 3 juin. Le jour où Rachida Dati s’est définitivement mis à dos cette gauche dont elle s’est souvent dite culturellement proche. Hier, lors de la séance des questions d’actualité à l’Assemblée, la garde des Sceaux devait s’expliquer sur sa tardive décision de faire appel du jugement qui a annulé un mariage pour cause de mensonge sur la virginité de l’épouse.

Elle a été interrogée à deux reprises, par Nicole Ameline (UMP) puis par Martine Martinel (PS). Et depuis lundi, elle préparait ses réponses. Très critiquée jusque dans son propre camp pour avoir affirmé que l’annulation du mariage de Lille «protégeait» la jeune femme concernée, elle a choisi de répondre avec une rare véhémence : «Dans cette affaire, mesdames et messieurs les membres du groupe socialiste, je n’ai pas entendu un mot de votre groupe pour la jeune fille qui attendait cette décision de justice.»

Ces propos, prononcés dans un brouhaha tel qu’ils étaient à peine audibles, ont déclenché sur les bancs de la gauche un chœur d’indignation ponctué de quelques appels à la «démission». Habitué aux réponses laborieuses d’une ministre qui s’en tient prudemment aux «éléments de langage» de l’orthodoxie sarkozyste, beaucoup de députés ont eu le sentiment, hier, de découvrir la vraie Rachida Dati.

Mauvaise foi. La voix et le ton avait changé. Détachée de ses notes, elle défendait manifestement, face au groupe socialiste, une vraie conviction. «Vous brandissez des mots, vous brandissez des concepts déconnectés de la réalité. Oui, je le redis, cette décision de justice a protégé cette jeune femme», a-t-elle martelé avant d’oser cette accusation qui acheva de mettre le feu à l’hémicycle : «Mais qui, sinon vous, membres du groupe socialiste, a appliqué la politique des "grands frères", abandonnant ainsi d’innombrables jeunes filles entre leurs mains ? C’est à l’échec de votre politique d’intégration que nous devons faire face ! Alors, Monsieur Ayrault [président du groupe PS, ndlr], vous pouvez m’attaquer car j’ai échappé à votre politique qui a suscité le repli identitaire. C’est ce qui vous dérange !»

Après la séance de questions, quelques élus UMP reconnaissaient que la droite avait elle aussi sa part de responsabilité dans les échecs de l’intégration. La député-maire (UMP) de Reims, Catherine Vautrin, ex-ministre de la Cohésion sociale, en convient. Elle met l’évidente mauvaise foi politicienne au compte de la «charge émotionnelle» du discours de Rachida Dati : «Elle a parlé en tant que femme, mettant en avant le drame personnel des filles des banlieues. Elle a une vraie légitimité pour le faire.» L’entourage de Fadela Amara, secrétaire d’Etat à la Politique de la ville, approuvait hier la condamnation de la «politique des grands frères» qui a effectivement «favorisé le communautarisme» dans les quartiers.

Généralement peu indulgent sur le cas Dati, le député (UMP) de Paris Claude Goasguen s’efforçait lui aussi, sans grande conviction, de défendre la ministre : «Ce n’est pas facile d’être un symbole politique.»

De son côté, le porte-parole du groupe PS André Vallini ne cachait pas sa consternation. Il est allé le dire à Rachida Dati entre quatre yeux, dans l’hémicycle : «Je passe mon temps à vous défendre. J’explique que vous avez été mal comprise. Et là vous faites une provocation gratuite. C’est désespérant.» Il est vrai qu’avant la séance, le même Vallini ne ménageait pas ses efforts pour défendre la position de Dati dans cette affaire «très complexe» : «On est très injuste avec elle. Elle a voulu prendre en compte le point de vue de la jeune femme et n’a péché au fond que par manque d’explications.»

Scrupules. L’explication est venue hier de Dati : «Il y avait un consentement entre les deux époux pour faire annuler le mariage, leur demande se fondait sur une exigence de confiance au sein du couple», a-t-elle répété en réponse à la question de Nicole Ameline, avant de justifier la décision d’appel : «D’autres cas se présenteront peut-être demain, où il n’y aura pas de consentement des deux époux. On ne peut admettre que l’action en nullité du mariage puisse être exercée au motif de la non-virginité.»

Si elle en était restée là, Rachida Dati serait sortie indemne de cette séance. Mais l’attaque contre la gauche et la mise en avant de sa propre expérience ont fait tomber les scrupules de ceux qui la ménageaient. «J’en ai par-dessus la tête du féminisme victimaire», s’est exclamé l’ex-garde des Sceaux (PS) Elisabeth Guigou. Plus cruel, Arnaud Montebourg feignait de se désoler : «Nous avons affaire à une personnalité attachante qui malheureusement n’est pas à la hauteur. Ses propos sont trempés dans la désinvolture et l’improvisation. Il est temps qu’elle se ressaisisse.»

Est-ce pour tenter de sortir de l’état de disgrâce qui la frappe que Dati a employé ce ton combatif qui plaît tant à Sarkozy ? Toujours est-il que, quelques instants plus tard, lors du vote sur les institutions (lire page 13), François Fillon ne l’a pas remerciée pour avoir défendu le texte, qu’elle portait en tant que garde des Sceaux...

Beaucoup de bruit pour rien, dirai-je. D'une banale annulation de mariage, certes avec une raison assez obsolète, la gauche a réussi a faire craquer la glaiciale ministre de la justice. Opération réussie donc pour la gauche qui, semble-t-il, est parvenue à isoler un peu plus Rachida Dati. L'UMP, François Fillon en tête, ne la soutienne pas. Au contraire, Des députés comme Georges Tron ou Claude Goasguen l'ont plutôt chargée et regretté son manque de sang-froid.

Et pourtant, et en tant qu'homme de gauche, cela me chagrine, mais il m'est obligé d'avouer que le Garde des Sceaux a raison.
Oui, elle a raison quand elle déclare que cette affaire suscite l'amalgame douteux et est placée sur le sceau de la religion. La gauche crie au denni de laïcité encore une fois dans une affaire de droit privé, alors que celle-ci ne concerne que le droit public et l'égalité des cultes. Comme elle l'avait fait avec le foulard à l'école, à des fins politiques et rappelant les heures sombres du parti communistes à la fin des années 80 (souvenons-nous de l'attitude de Robert Hue à Argenteuil face à des familles musulmanes), la gauche stigmatise un peu plus l'Islam et entretient une certaine méfiance de l'opinion vis-à-vis de la communauté musulmane. La justice n'a pas à prendre en compte les données religieuses. Ce serait en effet aller à l'encontre des valeurs laïques que je défends et qu'il faut soutenir.
Ce qui aurait dû être un banal fait divers devient ainsi une affaire d'état au grand dam de cette jeune femme qui va devoir endurer pour des comptes politiciens la prolongation de son mariage pourtant déjà condamné. Cependant, ne vous méprenez pas, moi aussi, je regrette que la justice permette que l'on annule un mariage pour des raisons si futiles. Mais après tout, ce n'est qu'une annulation de mariage, rien de plus. Que veut-on faire ? Imaginons que la cour d'appel, voire la cour de cassstioninfirme cette décision, comment se terminera ce mariage ? En divorce ? C'est nettement mieux, c'est vrai. Et comment légiférer sur ce fait ? En interdisant l'annulation ? Ce serait finalement bien plus injuste encore pour les femmes dans cette situation.
Attention donc ! A jouer à ce petit jeu, la gauche risque de créer des tensions encore plus grandes entre l'opinion et la communauté musulmane. C'est dangereux pour le pays mais ça l'est aussi pour elle. En effet, à chaque fois qu'elle a fait dans ces calculs, c'est le FN qui en a profité. Aujourd'hui, cela risque bien de faire le jeu de Nicolas Sarkozy.

Publié dans Politique

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