Du détournement d’une idée vertueuse

Publié le par Frédo45

Du détournement d’une idée vertueuse

A la base, la différenciation était une idée généreuse visant à apporter soutien aux élèves en difficulté. Aujourd’hui, elle s’est muée en individualisation des parcours, avec son lot de dérives libérales dangereuses pour l’Ecole et plus généralement pour la société.

Depuis la loi d’orientation de 1989, l’attention des enseignants a été portée sur l’élève davantage que sur la notion transmise. Ainsi, la différenciation est devenue un aspect essentiel de la pédagogie. Donner plus à ceux qui ont le moins, quelle belle idée ! Cependant, avec le temps, on est en droit de s’interroger sur ce qu’est devenue cette belle idée et ce sur quoi elle a débouché.

En effet, comment ne pas se questionner face à un principe qui a mené à l’individualisation à outrance du positionnement pédagogique ? De PPRE en autres projets, l’attention des maîtres et maîtresses ne doit non plus seulement porter sur les groupes d’élèves en difficulté mais sur chaque élève de manière personnalisée. On remarquera au passage que ce surplus de travail, car c’en est un, n’a pas été récompensé par une hausse du traitement des enseignants, bien au contraire. Mais ce qui est de plus en plus notable, c’est à la fois la disparition du groupe-classe comme entité permettant les progrès de chacun et l’acceptation d’un consumérisme scolaire de plus en plus présent chez les élèves et leurs parents. L’Education Nationale s’est ainsi conformée au principe libéral de l’offre et de la demande, comme le font les vendeurs soucieux de satisfaire leur clientèle. C’est oublier que l’Ecole porte en elle une mission de service public, protégée des intérêts mercantiles et individuels, visant des objectifs humanistes et solidaires.

Symbole de cette « McDonaldisation » de l’Education Nationale : la réforme du baccalauréat. Des élèves qui choisissent des matières comme on choisit des hamburgers et une groupe-classe si morcelé qu’il en devient impossible d’enseigner correctement et d’assurer le suivi des lycéens.

N’est-il pas temps aujourd’hui, de remettre non pas l’élève mais la classe au centre du système ? Car n’est-ce pas au sein de celle-ci, par des interactions entre pairs ou entre enseignants et élèves, par la coopération et l’entraide, que l’élève maîtrisera les compétences et les savoirs utiles à l’acquisition d’une citoyenneté avisée ? N’est-il pas aujourd’hui nécessaire de faire de l’Ecole un espace d’apprentissage des contraintes liées à la vie en société plutôt que de faire prospérer les exigences personnelles et l’individualisme des enfants-rois ? Pour cela, il est nécessaire de rompre avec ces stratégies individualistes et consuméristes et de questionner les principes pédagogiques qui les soutiennent.

 

Article paru dans Fenêtres sur Cours 45 - décembre 2020

Publié dans Education-Santé

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